Savez-vous ce que je déteste le plus depuis que je dirige une entreprise d’autopartage ? Je vous le dis tout net : c’est de devoir ajuster les prix ! Ça crée souvent du mécontentement et il faut faire très attention de ne pas créer de distorsions entre nos différents forfaits. Cette « corvée » est pourtant nécessaire. Il en va de la pérennité de notre organisation.
Lorsque j’ai fondé Communauto, il y a 30 ans, j’avais deux objectifs importants en tête :
- Positionner notre service comme une alternative vis-à-vis de la propriété d’un véhicule
- Et éviter de faire de l’autopartage une autre manière de subventionner l’automobile
C’est dire que Communauto doit viser le premier objectif tout en conservant son autonomie financière. L’un de mes premiers défis, en 1994, a été de prouver que l’autopartage était en mesure de s’autofinancer. Peu de gens y croyaient à l’époque, mais c’est maintenant chose faite et j’en suis extrêmement fier. Cela fait 3 décennies que nous y parvenons et il importe que cela se poursuive.
Est-ce que de vouloir couvrir nos frais fait de Communauto une organisation à but lucratif ? Loin s’en faut. Bien que nous ne soyons ni une coopérative ni un organisme à but non lucratif, Communauto s’est toujours positionnée comme une entreprise à mission urbanistique, sociale et environnementale et nous y tenons.
Le fait est, cependant, que nous louons des véhicules automobiles et, vous l’avez probablement constaté, ceux-ci coûtent de plus en plus chers. Le coût moyen des véhicules que nous avons ajoutés à notre parc dans les dernières années a bondi de 21 000 $ en 2015, à 21 700 $ en 2019 à 28 000 $ en 2024 (+29%). Ceci se traduit par des frais financiers et d’amortissement d’autant plus élevés.
Une autre tendance lourde est qu’il en coûte en moyenne de plus en plus cher pour assurer, entretenir et réparer un véhicule. Juste au chapitre de l’assurance, nos franchises sont passées de 7500 $/accident à 12 500 $/accident entre 2022 et 2024 (+67%). C’est Communauto qui absorbe la différence entre ce montant et celui qui vous est facturé selon l’option d’exonération qui est la vôtre.
Pour l’an prochain, bien que notre franchise par accident restera fixée à 12 500 $, notre facture augmentera encore, en moyenne, de plus de 35% (+40% à Toronto et +50% en Nouvelle-Écosse).
S’il en coûte de plus en plus cher pour un particulier de posséder un véhicule et, pour nous, de nous en procurer pour les partager, nous n’avons d’autres choix que de nous adapter. La bonne nouvelle c’est que tout est relatif, cela n’affecte donc en rien le positionnement relatif de notre service vis-à-vis de la propriété d’un véhicule. Pour une très forte proportion de la population, il restera donc plus économique de « partager » une voiture que d’en posséder une.
POURQUOI CES HAUSSES SUCCESSIVES ?
Je l’ai écrit d’entrée de jeu, je déteste modifier les prix. Plus nous réussissons à contenir nos dépenses mieux nous nous positionnons vis-à-vis de la propriété d’un véhicule. Pour cette raison, dans le doute, je préfère y aller de manière prudente et graduelle, quitte à procéder à des rajustements si nécessaire.
Il est bien loin le temps où nous pouvions nous contenter de faire de simples règles de trois pour nous projeter quand venait le temps de faire les budgets. L’industrie automobile est en pleine mutation et, comme l’ensemble de la population, nous en faisons les frais. Les véhicules sont de plus en plus gros et même les modèles d’entrée de gamme arrivent équipés de dispositifs électroniques coûteux à réparer. Nous avons sous-estimé l’impact de ces changements dans l’évolution récente de notre parc de véhicules. Ironiquement, ces derniers sont également de plus en plus énergivores (cherchez l’erreur). Même l’essence pèse donc plus lourd dans le total de nos intrants.
En mai dernier, nous avons procédé à un premier ajustement tarifaire en étant surtout préoccupés de le faire avant le début de la saison estivale. Les données dont nous disposions alors indiquaient l’amorce de certaines tendances, mais nous ne disposions pas de suffisamment de recul pour oser les répercuter entièrement dans nos prix (j’ai toujours été d’une nature plutôt optimiste…). Les tendances observées en début d’année se sont par la suite vues confirmées. C’est ce qui explique l’ajustement entré en vigueur en octobre.
Nos analyses reposent toujours sur les données les plus récentes dont nous disposons. Nous sommes tenus, de plus, de donner un préavis d’un mois avant l’entrée en vigueur de tout ajustement tarifaire. C’est donc dire que les changements entrés en vigueur en octobre reposaient sur des données dont les plus récentes dataient de juillet. Or, tout optimiste que je sois, les données des mois qui ont suivis nous forcent, pour l’année à venir, à mieux tenir compte de l’augmentation du coût de nos intrants plutôt que de nous contenter de faire du « rattrapage « comme nous nous sommes contentés de le faire dans les derniers mois. C’est ce qui explique les ajustements annoncés pour février.
Est-ce de gaieté de cœur que nous annonçons ces changements ? Non ! La mission de Communauto n’a jamais été de maximiser les profits, mais bien de maximiser les retombées urbanistiques, sociales et environnementales découlant de notre offre de service. Croyez-moi, si nous avions pu faire autrement, nous nous serions bien gardés de modifier à nouveau les prix.
Sur ce, je vous souhaite un joyeux temps des Fêtes !
Benoît Robert